BUJUMBURA, 12 août (ABP) – La prévention de l’hémorragie financière de l’Afrique nécessite l’engagement honnête et soutenue des gouvernements occidentaux à refuser d’être l’abri de la richesse volée du continent, a-t-on appris de M. Léonce Ndikumana (photo), un éminent économiste burundais et professeur d’universités, qui a exposé sur « la dette odieuse et la fuite des capitaux : Mécanisme de l’hémorragie financière de l’Afrique », au cours d’une conférence débat organisée par la Banque de la République du Burundi vendredi le 9 août 2019 à Bujumbura.
Ndikumana a précisé que les résultats des experts suggèrent que l’Afrique était un créancier net du reste du monde, dans le sens où le stock des fuites des capitaux dissimulés à l’étranger dépasse le stock de la dette extérieure. Ces mêmes résultats jettent des doutes sur l’opinion selon laquelle l’Afrique est le continent des nations lourdement endettées. Il a affirmé que la fuite des capitaux en provenance d’Afrique est une réincarnation du pillage des ressources africaines mené par l’Etat colonial.
Tout comme quand les missionnaires européens sont arrivés en Afrique et ont donné la Bible à l’Africain, en échange contre la terre, le peuple africain est témoin d’une forme moderne d’expropriation des ressources résultant de la fuite des capitaux. Il a ajouté que les entreprises multinationales font collusion avec les politiciens pour partager le gâteau de l’Afrique. Aussi, dans un monde où le secteur des entreprises multinationales est peu réglementé, par le biais de l’investissement étranger, les entreprises des économies riches exploitent les ressources de l’Afrique à bon escient et rapatrient les bénéfices, laissant derrière elles un environnement économique, social et physique dévasté, a-t-il poursuivi.
Si la stabilité et la croissance macroéconomique sont souhaitables, a dit M. Ndikumana, elles ne dissuaderont pas la fuite des capitaux. En fait, des politiques telles que les taux d’intérêt élevés et un objectif d’inflation rigide ne peuvent pas nécessairement assurer la stabilité macroéconomique à court terme, sans pour autant empêcher la fuite des capitaux. A leur tour, une bonne gouvernance et des institutions solides qui contrôlent la corruption dans les secteurs privé et public sont d’une importance fondamentale pour empêcher la fuite des capitaux en provenance de l’Afrique. Au niveau mondial, poursuit l’expert, un accent particulier devrait être mis sur l’amélioration de la transparence des systèmes commerciaux et financiers mondiaux, en particulier pour casser la tradition du secret bancaire et sur la mise en place des mécanismes solides, permettant de mesurer de façon rapide, transparente et précise, le commerce international, afin de minimiser les fraudes dans les facturations et les prix de transfert abusifs.
Ndikumana a également indiqué qu’établir une stratégie contre la fuite des capitaux en Afrique nécessite de passer de la perspective qui voit la fuite des capitaux comme problème africain à celle qui considère la fuite des capitaux comme un problème mondial. Il a en outre signalé que si les pays avancés ou les principaux partenaires de développement de l’Afrique veulent vraiment aider le continent à lutter contre la fuite des capitaux, ils doivent imposer à leurs banques des pratiques responsables et transparentes. Ils peuvent aussi soutenir le programme antifuite des capitaux, en aidant à renforcer la capacité des gouvernements africains d’arrêter le pillage des ressources naturelles par les multinationales et concevoir et mettre en œuvre des politiques globales de lutte contre la fuite des capitaux.
Dans cette optique, précise le professeur Ndikumana, la coalition internationale contre la fuite des capitaux serait donc une partie intégrale de la stratégie globale de coopération et d’aide au développement.