BUJUMBURA, 13 déc (ABP) – La BBC “a menti” dans son film documentaire diffusé le 4 décembre dernier accusant les forces de sécurité burundaises “d’avoir des maisons secrètes de détention et de torture des opposants”, a déclaré jeudi le 13 décembre 2018, à Bujumbura devant les membres du corps diplomatique et des représentants des organisations internationales accrédités au Burundi, Mme Aimée Laurentine Kanyana (photo), ministre burundaise de la Justice, de la Protection civique et Garde des sceaux.
“Le gouvernement de la République du Burundi a pris ces accusations au sérieux car elles sont très graves, et dément que ses forces de sécurité ne torturent et ne tuent des opposants. Le documentaire de la BBC s’inscrit dans la logique de déstabilisation du Burundi orchestrée par certains acteurs internationaux qui ont échoué à faire opérer un changement de régime en 2015”, a-t-elle précisé.
La ministre Kanyana prononçait son mot liminaire à l’occasion de la séance d’information organisée par le ministère burundais des Affaires étrangères sur ce film documentaire de la BBC accusant le gouvernement burundais d’avoir des maisons secrètes de détention et de torture.
Via son programme intitulé “BBC-Africa Eye” diffusé le 4 décembre 2018, la BBC a incriminé les forces de sécurité burundaises, principalement celles relevant du Service national de renseignement (SNR), dans la torture et l’assassinat d’opposants. Ce documentaire se base principalement sur une vidéo publiée le 28 décembre 2016, sur un compte anonyme Twitter@Burundi, exhibant du sang qui provenait d’un canal d’évacuation des eaux d’une maison sise à l’avenue Ntwarante n°76, en zone Kinindo, dans la commune Muha, au sud de la province urbaine de Bujumbura-Mairie.
“Cette maison appartenant à Sieur Prosper Kaze, actuellement en exil au Rwanda, a fait objet de saisie et est gardée par les forces de l’ordre depuis le 26 novembre 2015, lorsqu’une grande cache d’armes y a été découverte. Ceux qui ont été appréhendés ont révélé à la police l’existence d’une maison, à Kinindo, qui leur servait de base arrière et de cache d’armes”, a par ailleurs indiqué la ministre Kanyana.
Une année plus tard, une vidéo montrant du sang coulant d’un égout d’évacuation a fait le tour des réseaux sociaux alléguant que c’était du sang humain qui proviendrait de cette maison sise à l’avenue Ntwarante n°76.
“L’opinion a vite compris que c’était de la manipulation car les voisins directs ont démenti”, a ajouté Mme Kanyana, qui a expliqué qu’un musulman habitant une parcelle “située non loin de la maison incriminée” avait l’habitude d’égorger des chèvres pour la fête d’Eid al Fitr ou d’autres festivités, et les déchets ainsi nettoyés se déversaient vers le canal d’évacuation des eaux en charriant du sang.
“Quant au ministère public, il a mené des investigations sur la maison citée et a trouvé que la BBC a menti. Cette maison ne communique pas avec l’égout d’évacuation qui charriait du sang dans le caniveau longeant l’avenue Ntwarante. Si cette maison communique avec le caniveau, c’est à travers un autre canal d’évacuation des eaux usées”, a-t-elle insisté. En outre, a-t-elle explicité, le ministère public a pu identifier avec exactitude l’origine du liquide ensanglanté, “qui est une autre maison” et non celle citée par la BBC.
La ministre Kanyana a également déploré le constat selon lequel les voisins directs n’ont pas été interrogés par la BBC pour témoigner sur cet écoulement du sang dans le caniveau “pris pour du sang humain”. Elle a fait par ailleurs remarquer que la promiscuité qui prévaut dans ce quartier résidentiel aurait alerté tout le voisinage “s’il advenait que pareils crimes y soient commis” par qui que ce soit.
Pour la ministre Kanyana, la principale source de la BBC, à savoir M. Prosper Kaze, “un criminel recherché par la justice burundaise, qui a détenu et entretenu une cache d’armes, qui est impliqué dans l’assassinat de plusieurs citoyens burundais”, ne devrait pas être compté parmi les personnes pour témoigner contre un pays qui le recherche pour crimes commis.
“Quant aux individus qui, dans le documentaire de la BBC, disent avoir appartenu au SNR, ne sont certainement que des personnes qui étaient cachées dans cette maison et qui ont escaladé la clôture et pris le large lorsque la police a fait irruption à l’avenue Ntwarante le 26 décembre 2015. Ces individus connaissent bel et bien la configuration de la maison car ils y ont passé plusieurs jours avant d’être délogés”, a-t-elle souligné.
Ce film documentaire de la BBC produit par Mmes Charlotte Attwood et Maud Jullien rapporte des témoignages faisant état de “sang humain provenant de l’intérieur de cette maison dans laquelle trois personnes auraient été décapitées et une quatrième abattue à l’extérieur de la maison et dont le corps aurait été trainé à l’extérieur où se trouvaient déjà trois corps d’opposants égorgés”. Le film épingle M. Alexis Ndayikengurukiye, un officier de renseignement, comme étant l’auteur de ces tortures et assassinats.
Mme Kanyana a déploré que ce film de la BBC va plus loin en affirmant que cette maison sise à Kinindo n’est pas le seul centre de détention et de torture, et qu’il y en aurait d’autres, dont la permanence nationale du Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), parti au pouvoir. Elle a signalé que Mmes Charlotte Attwood et Maud Jullien ont à plusieurs reprises été refusées de visas au Burundi après constat que ces deux femmes “n’étaient pas honnêtes dans le traitement de l’information et avaient des accointances avec certains radicaux burundais qui avaient enclenché un mouvement insurrectionnel au Burundi et la tentative de coup d’Etat en 2015”.