BUJUMBURA, 9 fév (ABP) – L’ancien président du Burundi, M. Sylvestre Ntibantunganya, a  procédé vendredi le 8 février 2019, à Bujumbura, à la présentation officielle de son livre « Burundi, démocratie piégée », édité en 2018 par Iwacu-Europe.

Le livre, qui coûte 40 000 FBu, est un témoignage sur l’histoire récente du Burundi de 1987 à 2017. L’auteur a mis 10 ans à la rédaction de ce livre de 726 pages.

L’ex-président Ntibantunganya a expliqué les raisons pour lesquelles il a écrit ce livre. D’après lui, la Commission vérité-réconciliation (CVR) est à l’œuvre depuis plus de quatre ans. Pour bien accomplir sa mission, elle a besoin des contributions de tous ceux qui ont des vérités à révéler, des confessions à faire ou des interrogations à exprimer. Parmi ces partenaires, les anciens chefs d’Etat ont un rôle de premier plan. Ils doivent concourir à l’émergence de la vérité libératrice que les Burundais attendent. Une des voies par laquelle ils peuvent passer est de témoigner par l’écriture.

« Parmi ces anciens chefs d’Etat, c’est moi qui ai exercé le plus court mandat, du  12 avril 1994 au 25 juillet 1996. Mais ce mandat a été des plus denses. Ils se sont passés des faits et événements qui ont plus tard beaucoup influé sur les changements intervenus dans le système politique et institutionnel burundais ».

En écrivant ce livre, il veut témoigner sur ces événements et ainsi donner sa modeste contribution au travail de la CVR sur cette période cruciale de l’histoire du Burundi. M. Ntibantunganya a tenu à préciser que cet ouvrage n’est pas un livre d’histoire. Il s’agit d’un « ensemble de notes tirées de documents lus, de témoignages vécus et d’analyses faites pour l’histoire sur la période de 1987 à 2017 ».

Pour M. Ntibantunganya, l’autre objectif est même un devoir de rendre justice et hommage aux « héros de l’ombre », à des milliers de « justes », issus de toutes les ethnies, qui se sont distingués sur plusieurs collines et quartiers, dans les écoles, les communes et les paroisses, ces femmes et hommes qui se sont refusé à la violence criminelle, parfois au risque de leur propre vie. « La CVR doit identifier ces femmes et ces hommes pour qu’ils servent d’exemple aux générations actuelles et futures, comme des patriotes à qui nous devrons désormais respect et considération. Des monuments devront être érigés au niveau de chaque commune pour accueillir les noms de toutes les victimes de notre sombre histoire et abriter des stèles dans lesquels seront gravés les noms de ces ‘héros de l’ombre’. Voilà pourquoi, dans la rédaction de ce livre j’expose les faits que des Burundais et étrangers commencent à révéler et que l’opinion connaît de plus en plus. « Partant d’une conviction que seule la vérité sur la douloureuse histoire du Burundi aidera à promouvoir une réconciliation nationale sincère et, en conséquence, profonde, j’essaie de rester collé à cette recherche de la vérité sur cette question en évitant autant que faire se peut de pêcher, ni par omission, ni par diabolisation ou sanctification d’un quelconque acteur de cette sombre histoire ».

Enfin, M. Ntibantunganya dédie son livre à la  jeunesse burundaise. D’après lui, cette jeunesse doit être protégée et, surtout, se protéger. Elle doit encourager ses aînés que « nous sommes » à affronter courageusement ce passé dans l’objectif  du « plus jamais ça ». Elle doit également se projeter pour un meilleur avenir. Aujourd’hui, une nouvelle génération de jeunes burundais s’engage dans nos forces de défense et de sécurité, dans notre fonction publique et dans le secteur privé. Cette nouvelle génération intègre également les ordres dans les confessions religieuses, animent les médias et œuvrent au sein des organisations de la société civile. Toutes ces sections de la vie nationale « doivent être libérées des silences/dissimulations, des manipulations et des omissions qui ont caractérisé la relation des faits et le traitement des différents épisodes douloureux de l’histoire postcoloniale du Burundi. De cette façon, elles pourront s’engager, sûres et rassurées, dans l’édification d’un pays protégé des démons du passé et prêt à décoller sans retour ni détours vers un développement économique et social harmonieux et durable ».

Les différents intervenants ont félicité M. Ntibantunganya pour la production d’un ouvrage de qualité.

Le président de la CVR, l’ambassadeur Pierre Claver Ndayicariye, a remercié l’auteur pour la qualité des références et la pertinence de ses analyses. Il a estimé notamment que le livre est écrit avec beaucoup de sincérité. Dans un pays qui a soif de la vérité, le Burundi a encore besoin des témoins vivants qui parlent pour éclairer le présent et la vérité. Dans ce livre, M. Ntibantunganya a multiplié les repères et les références pour prouver qu’il déteste mentir. Il a fixé les événements dans leurs contextes et les acteurs sociaux et politiques face à leurs intérêts, leurs calculs, leurs défis et leurs enjeux, a souligné M. Ndayicariye. Il a cependant dit que s’il avait été consulté dans la formulation du titre, il aurait proposé comme titre de cet ouvrage « Burundi, Démocratie encerclée ». Pour dire encerclée par la myopie sociale et politique de certains acteurs internes d’une part et par les calculs géopolitiques et géostratégiques des partenaires externes visibles et invisibles d’autre part.

M. Léandre Sikuyavuga, représentant l’éditeur  « Iwacu-Europe », a remercieé l’ex-président Ntibantunganya pour ce cadeau à la jeunesse et au peuple burundais. D’après lui, l’ouvrage est une précieuse contribution au travail de la CVR. Il décrit et analyse les épisodes de l’histoire du Burundi sur une période de 30 ans (1987-2017), jette un regard sans complaisance sur les drames du passé et les stratégies d’acteurs qui les ont engendrés. La connaissance de l’histoire est un élément très important pour la réconciliation. M. Ntibantunganya esquisse aussi des pistes pour faire face aux enjeux politiques du moment. C’est une prise de parole courageuse, instructive et apaisée qui nourrit l’histoire et qui entre dans l’histoire. Pour M. Sikuyavuga, la lecture de ce livre nous permet aussi de découvrir un homme politique lucide, qui reconnaît et apprend de ses erreurs. Malgré tout ce qu’il a vécu sur le plan personnel, la perte de plusieurs camarades avec qui il a partagé la lutte pour la démocratie, la perte des êtres chers dont son épouse, jamais le propos n’est vindicatif ou vengeur vis-à-vis des personnes quelles qu’elles soient, ni cynique ou même désabusé au regard des « reniements » et « trahisons » qu’il a vécus. Iwacu invite les acteurs clés de l’histoire du Burundi à emboiter le pas pour aider à nourrir la réflexion en publiant leurs témoignages.

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